{"id":8646,"date":"2024-10-09T13:50:35","date_gmt":"2024-10-09T23:50:35","guid":{"rendered":"https:\/\/www.service-public.pf\/dcp\/?p=8646"},"modified":"2024-10-09T13:50:35","modified_gmt":"2024-10-09T23:50:35","slug":"le-marae-te-ava-et-ses-fosses-de-dechets-sacres-hiroa-n-202-octobre-2024","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.service-public.pf\/dcp\/2024\/10\/09\/le-marae-te-ava-et-ses-fosses-de-dechets-sacres-hiroa-n-202-octobre-2024\/","title":{"rendered":"Le marae Te Ava et ses fosses de \u00ab\u00a0d\u00e9chets\u00a0\u00bb sacr\u00e9s (Hiro’a n\u00b0 202 – Octobre 2024)"},"content":{"rendered":"
L\u2019arche\u0301ologue ne\u0301o-ze\u0301landais, Mark Eddowes, accompagne\u0301 d\u2019une petite e\u0301quipe, a mene\u0301 pendant un mois, de la mi-aou\u0302t a\u0300 la mi-septembre, une mission sur le marae Te Ava Ti \u0301ipoto a\u0300 Huahine. Ces travaux, re\u0301alise\u0301s a\u0300 la demande de la Direction de la culture et du patrimoine, ont permis de restaurer certaines parties de ce site sacre\u0301, dont notamment le ahu ainsi que deux fosses ou\u0300 e\u0301taient jete\u0301s des de\u0301chets sacre\u0301s.<\/em><\/strong><\/p>\n<\/div>\n Le marae class\u00e9 Te Ava Ti’ipoto, situ\u00e9 en bord de lagon dans le village de Maeva, a fait l\u2019objet d\u2019une restauration partielle sur une dur\u00e9e d\u2019un mois. D\u00e9but\u00e9s le 19 ao\u00fbt dernier, les travaux se sont achev\u00e9s vers la mi-septembre. C\u2019est Mark Eddowes, arch\u00e9ologue reconnu pour son expertise, qui s\u2019est occup\u00e9 de cette mission avec une \u00e9quipe compos\u00e9e de deux jeunes arch\u00e9ologues de Papara et de trois personnes originaires du village de Maeva choisies par l\u2019adjoint au maire de Maeva, Timi Tetaumarama. \u00ab Notre mission \u00e9tait de restaurer partiellement, en utilisant des techniques anciennes, certains \u00e9l\u00e9ments architecturaux qui se sont effondr\u00e9s au fil du temps, comme les dalles de corail taill\u00e9es du ahu, le pavage ab\u00eem\u00e9 par les racines d\u2019un grand banian, l\u2019angle sud-est de la plateforme, partiellement effondr\u00e9 et haut de plus de 2 m\u00e8tres, ainsi que deux grandes fosses situ\u00e9es sur le c\u00f4t\u00e9 sud de la cour du marae \u00bb<\/em>, explique l\u2019arch\u00e9ologue.<\/p>\n Des fosses sp\u00e9ciales pour des objets tapu<\/strong><\/p>\n Loin d\u2019\u00eatre de simples trous creus\u00e9s, ces deux fosses avaient un r\u00f4le bien d\u00e9fini. \u00ab Elles sont particuli\u00e8res car elles ont \u00e9t\u00e9 construites pour y jeter des d\u00e9chets sacr\u00e9s. C\u2019est int\u00e9ressant car ce marae a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 \u00e9tudi\u00e9 \u00e0 deux reprises. Une premi\u00e8re fois en 1929 par Kenneth Emory. Il l\u2019a qualifi\u00e9 de marae tupuna ou de marae ancestral appartenant \u00e0 l\u2019une des principales lign\u00e9es de Maeva. Emory avait dessin\u00e9 un plan du marae indiquant la pr\u00e9sence inhabituelle d\u2019une fosse de d\u00e9chets sacr\u00e9s ou tiri\u0101pera. Ces tiri\u0101pera \u00e9taient utilis\u00e9es dans les temps anciens pour y d\u00e9poser des objets tapu en mati\u00e8res organiques p\u00e9rissables. Par exemple, des v\u00eatements personnels en tapa, des outils en bois cass\u00e9s utilis\u00e9s par les chefs ou les pr\u00eatres, des ornements en plumes sacr\u00e9es qui commen\u00e7aient \u00e0 se d\u00e9sint\u00e9grer et n\u2019\u00e9taient plus utilisables, ou encore des ti’i ou des images ancestrales en bois cass\u00e9s. Tout ce qui avait un caract\u00e8re sacr\u00e9 devait \u00eatre \u00e9limin\u00e9 d\u2019une mani\u00e8re particuli\u00e8re pour \u00e9viter que les anciens propri\u00e9taires ne soient victimes de sortil\u00e8ges. Ces objets, qui avaient \u00e9t\u00e9 touch\u00e9s ou utilis\u00e9s par des ari’i, ne devaient pas \u00eatre profan\u00e9s par des ennemis car ils pouvaient apporter la maladie ou la mort. Afin d\u2019\u00e9viter cela, certains chefs disposaient donc de fosses sp\u00e9ciales, comme celle indiqu\u00e9e par Emory au marae Te Ava pour se d\u00e9barrasser de ces objets sacr\u00e9s. Or personne n\u2019osait voler dans un marae sous peine d\u2019\u00eatre puni de mort par les dieux. Dans les ann\u00e9es 1970, le professeur Sinoto, arch\u00e9ologue \u00e0 Hawaii, a, lui, restaur\u00e9 le marae Te Ava. Sinoto avait identifi\u00e9 une seconde fosse, plus petite et plus proche du ahu. Ainsi, aujourd\u2019hui, ce sont deux fosses de ce type qui sont pr\u00e9sentes sur les terrains du marae Te Ava. Seuls ce marae et un autre \u00e0 Maeva, le marae Haumaru \u00e0 c\u00f4t\u00e9 du fare p\u014dte’e, poss\u00e8dent de telles tiri\u0101pera \u00bb<\/em>, pr\u00e9cise l\u2019arch\u00e9ologue.<\/p>\n Stabiliser le ahu<\/em><\/strong><\/p>\n Outre le redressement de ces fosses, Mark Eddowes et son \u00e9quipe se sont aussi attel\u00e9s \u00e0 restaurer une partie du ahu<\/em>, notamment ab\u00eem\u00e9 par un grand banian. \u00ab Au fil des si\u00e8cles, les dalles de corail taill\u00e9es du ahu ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9plac\u00e9es par la pression exerc\u00e9e par les racines du banian sacr\u00e9 qui poussait \u00e0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 nord de la plateforme et l\u2019obscurcissait partiellement. Nous avons \u00e9galement restaur\u00e9 le pavage dans son aspect d\u2019origine, ainsi que l\u2019angle sud-est de la plateforme, partiellement effondr\u00e9 et haut de plus de 2 m\u00e8tres. Nous avons aussi coup\u00e9 avec soin certaines parties de l\u2019arbre et certaines de ses racines pour mieux exposer la ma\u00e7onnerie du ahu et prot\u00e9ger les dalles de corail contre d\u2019autres dommages dus \u00e0 la pression exerc\u00e9e par les racines depuis l\u2019int\u00e9rieur, for\u00e7ant les dalles \u00e0 s\u2019avancer par rapport \u00e0 leur position d\u2019origine \u00bb<\/em>, pr\u00e9cise l\u2019arch\u00e9ologue.<\/p>\n Des fragments de cr\u00e2nes et de m\u00e2choires humaines<\/strong><\/p>\n Si tous ces travaux de restauration ont \u00e9t\u00e9 effectu\u00e9s avec soin par l\u2019\u00e9quipe et favorisent une meilleure conservation du site, ils ont aussi permis \u00e0 Mark Eddowes d\u2019\u00e9tudier et de d\u00e9couvrir des \u00e9l\u00e9ments passionnants. En effet, ont ainsi \u00e9t\u00e9 trouv\u00e9es dans le mur de sout\u00e8nement oriental de la plateforme des offrandes votives de coraux plac\u00e9es symboliquement dans les fondations. \u00ab Ces offrandes ne faisaient pas partie d\u2019un simple remplissage int\u00e9rieur, qui \u00e9tait en grande partie compos\u00e9 de pierres de basalte. Nous avons \u00e9galement trouv\u00e9 des fragments de cr\u00e2nes et de m\u00e2choires humaines, ainsi que des morceaux de tibias et de f\u00e9murs \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du ahu. Tous ces \u00e9l\u00e9ments ont \u00e9t\u00e9 imm\u00e9diatement remplac\u00e9s et recouverts par une ma\u00e7onnerie restaur\u00e9e. \u00bb <\/em><\/p>\n Tourn\u00e9 vers le mont Tapu<\/strong><\/p>\n Autre d\u00e9couverte int\u00e9ressante : ce marae<\/em> Te Ava a \u00e9t\u00e9 b\u00e2ti \u00e0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 d\u2019une ar\u00eate rocheuse unique qui descend de l\u2019int\u00e9rieur de l\u2019\u00eele jusqu\u2019au rivage de Ti’ipoto. Sa plateforme a \u00e9t\u00e9 construite sur de grandes formations rocheuses escarp\u00e9es, dont la forme n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 choisie au hasard\u2026 \u00ab Ces roches sur lesquelles ont \u00e9t\u00e9 b\u00e2ti le marae ressemblent \u00e0 la forme du mont sacr\u00e9 de l\u2019\u00eele Huahine, le mont Tapu. De plus, le marae est \u00e9galement orient\u00e9 vers ce mont (\u2026), f\u00e9cond\u00e9 par le dieu Tane et r\u00e9put\u00e9 pour favoriser la fertilit\u00e9, puisqu\u2019il garde les nuages. Il fait pleuvoir sa semence depuis les nuages sur les pics de mou’a Tapu, f\u00e9condant par une copulation symbolique l\u2019\u00e9l\u00e9ment f\u00e9minin de la terre en contrebas. Celle-ci est ainsi mise \u201cenceinte\u201d et donne \u201cnaissance\u201d \u00e0 des ignames, des fruits \u00e0 pain, des patates douces, etc., qui sont ensuite r\u00e9colt\u00e9s collectivement et redistribu\u00e9s par les chefs pour nourrir leur peuple. Les eaux f\u00e9condantes du dieu Tane s\u2019\u00e9coulent dans la lagune et perp\u00e9tuent ainsi les esp\u00e8ces et les poissons de la lagune qui nourrissent \u00e9galement les populations gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019intervention du divin dans le culte ancestral de leurs chefs. Le fait que le ahu soit construit sur ce fond rocheux et orient\u00e9 vers le mont Tapu apporte donc une dimension symbolique au marae Te Ava \u00bb<\/em>, indique Mark Eddowes avec passion, qui n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 qualifier ce site de magnifique. \u25c6<\/p>\n<\/div>\n